Formation : Les U18 ? Des globe-trotters !

Le samedi 24 octobre 2020 14:37 par pointguard

Pris en otage par les décisions municipales, le centre du formation du Limoges CSP est le grand oublié de la fameuse gestion des salles. Si les pros naviguent entre Beaublanc et Grellet, les joueurs du centre de formation se baladent sur pas moins de 6 salles lorsque Beaublanc est pris par le handball... une hérésie pour la qualité du travail et un casse-tête pour les encadrants. Entretien.

Pour rappel, le centre de formation regroupe désormais les U18 (ex-cadets) et les U21 (espoirs) qui sont gérés par la SASP Limoges CSP et plus par l'association.

Claude Bolotny, l'inoxydable directeur du centre de formation, a accepté de reprendre du service en sortant de sa retraite lors de la reprise en main du club par l'équipe de Céline Forte. Il a eu la gentillesse de répondre à nos questions quant à la nouvelle organisation de la couveuse du Limoges CSP et à ses orientations futures.

BBcom : Claude, comment se passe cette saison pour le moins singulière ?
CB : Je ne vais pas y aller par quatre chemins : je suis très déçu ! Le centre de formation est vraiment la dernière roue du carrosse pour la mairie qui avait été prévenue bien en amont des problèmes que nous rencontrons aujourd'hui. Je suis très déçu par Emile Roger-Lombertie que je connais dans le cadre privé, hors politique je précise, depuis 1976 et avec qui je pouvais discuter des heures. Aujourd'hui il fait de la politique et ne nous écoute plus. Les besoins des jeunes semblent malheureusement passer au second plan.

BBcom : On savait que le partage de Beaublanc avec le hand allait dépasser le cadre du simple "arrangement" décrit par Sylvie Rozette (NDLR : adjointe aux sports et notoirement pro-hand), mais quelles sont les conséquences concrètes de cette décision ?
CB : Attention, je n'ai rien contre le hand et je suis même heureux de leurs résultats et de leur progression. Ce n'est pas eux le problème : ils demandent une salle et l'obtiennent. Ce sont les décisionnaires qui n'ont pas voulu entendre les conséquences que nous avions prédites. Avant le partage, l'équation était simple : nous avions nos bureaux et notre équipement à Beaublanc. Tous les jeunes du centre de formation venaient s'entraîner deux fois par jour, en alternance avec les pros, ce qui nous permettait d'axer certaines séances sur le travail individuel et d'autres sur le travail collectif. Aujourd'hui, c'est le bazar pour être poli ! Les U18 sont devenus des globe-trotters : cette saison nous nous sommes déjà entraînés à Beaublanc, à Grellet, à Calmette, à Renoir, à Bellevue, au gymnase du CFA et même à Limosin ! Quand on connaît l'état de certaines salles dans cette liste, ça laisse songeur... Pour les U21, ça se limite à Beaublanc, Grellet et Bellevue qui ont des parquets mais les transports sont un casse-tête ! Si les U18 sont tous au lycée Renoir, les U21 ont des cursus différents et il est très compliqué d'aller les chercher, les ramener, leur permettre de manger et d'étudier avec des lieux et des temps de trajet qui changent toutes les semaines. Nous avons la chance d'avoir eu un second minibus mais j'ai l'impression que certains passent plus de temps en voiture qu'à l'entraînement ! Je suis aussi inquiet car ces choix municipaux nous sortent du cahier des charges du centre de formation de la LNB et on sait que la ligue peut-être très sévère dans ce domaine (cf Blois à qui la montée en Jeep Elite a été refusée car son CdF n'était pas homologué NDLR).

BBcom : En effet ! Quelle gymnastique. Comment les entraîneurs et le personnel médical gèrent-ils cette situation ?
CB : Comme ils peuvent ! Les entraîneurs se retrouvent à balader le matériel : les ballons, les plots, les échelles d'appuis mais il leur est aussi difficile de faire des séances vidéos. A Beaublanc, ils ont leur bureau et la salle dédiée. Là ils bricolent avec leurs ordinateurs portables tout en pensant à désinfecter le matériel et les installations... c'est vraiment une situation de fous ! Les chasubles doivent revenir quotidiennement à Beaublanc où nous faisons toutes nos lessives et en prime nous, dirigeants, devons arrondir les angles avec les scolaires ou les clubs amateurs (et pas seulement de basket) qui subissent l'effet domino de nos délocalisations aléatoires...

BBcom : Le COVID n'arrange rien à la situation (NDLR : interview réalisée juste avant l'annonce du couvre-feu)
CB : Non, il y a eu énormément de matches annulés en championnat espoir et, malheureusement, certains clubs ne semblent pas jouer le jeu en matière de protocole. Je sais que des espoirs voyagent avec les pros dans les bus alors que nous nous appliquons à laisser les pros dans une sorte de bulle. Je suis très inquiet pour la suite de la saison et je vois difficilement comment nous allons la mener à son terme.

BBcom : Depuis votre retour aux affaires, quels ont été les changements principaux au centre de formation ?
CB : Nous avons pris une orientation visant à alimenter l'équipe première en joueurs au fil des ans. Tim (Crusol) en est un exemple criant, il a des minutes dès cette année et s'avère très prometteur. Nous avons de véritables prospects dans chaque génération (U17-U18, U19, U20, U21). Nous pourrions tous les faire jouer ensemble et obtenir des résultats plus probants en espoirs mais nous avons fait le choix de les développer individuellement en veillant à leur apporter un cadre que ce soit sportif, scolaire ou humain. Cette année, les espoirs ont des familles d'accueil quand l'internat est fermé, on ne les loge plus à CHEOPS : ça nous coûte moins cher et ça permet de mieux veiller sur eux. Nous avons également noué un partenariat important avec le CFA de Limoges (Centre de Formation pour Adultes NDLR) pour ramener vers une formation ceux qui s'étaient éloignés des bancs de l'école et leur offrir un plan B si le basket ne marche pas. Ces nouvelles générations ont du mal à acquérir une éthique de travail et il est primordial de bien les entourer pour ne pas revivre certains épisodes décevant avec des jeunes que nous avons pu connaître. Je veux également souligner que nous avons sept "vrais" limougeauds cette saison au centre de formation et ça aussi c'est une satisfaction, la formation en lien avec l'association est importante.

BBcom : Vous sacrifiez donc en quelques sortes les résultats en espoirs ?
CB : On aura moins de victoires c'est sûr, mais on pourra apporter au club des prospects intéressants. Et puis, avec Pierre (Fargeaud, avocat du CSP NDLR) et Crawford (Palmer General Manager NDLR), nous travaillons également à leur offrir des contrats pros sur une durée qui nous permettra soit de les utiliser en équipe première, soit de les "vendre" à d'autres clubs pour lancer leur carrière mais aussi pour rentabiliser la formation qu'on leur aura dispensée. Jusque là, cet aspect était négligé et on voyait partir certains talents sans en tirer grand chose. Nous avons également recentré notre intérêt sur les JFL et tous nos joueurs seront éligibles à ce statut très rapidement.

BBcom : C'est donc un chantier sur le long terme qui vous attend...
CB : Oui et non. Oui parce que ce travail que mènent nos entraîneurs, nos bénévoles qui assurent l'intendance, nos familles d'accueil, nos employés qui assurent l'administratif et les familles qui nous font confiance devra s'étaler sur des années mais non, ce n'est pas moi qui le mènerai à son terme. A 72 ans et avec mes problèmes de santé, je vous annonce qu'il s'agit de ma dernière saison. Je regrette qu'elle ait lieu dans le flou absolu du contexte sanitaire qui nous complique la vie et dans l'imbrogilo des équipements sportifs, mais je suis confiant dans l'avenir du centre de formation. Il y a de bonnes personnes à tous les postes et la politique engagée me semble la bonne pour les jeunes et pour le CSP dont je resterai le supporter numéro 1.

Merci à Claude pour son temps, son investissement et, comme toujours, pour sa gentillesse et sa sagesse. Bonne fin de saison chamboulée à tout le centre de formation et bonne retraite, même si nous sommes CERTAINS de recroiser la silhouette de "l'indien" à Beaublanc pour encore très longtemps.