3.0 des paroles aux actes
Parlons aujourd'hui du projet 3.0 héritage laissé par Fred Forte au CSP. Si certains se bornent à n'y voir qu'un nom pompeux ou des détails les soirs de match, d'autres ne s'y trompent pas et savent que le 3.0 trace la route à suivre pour continuer à évoluer malgré l'évolution du basket pro. Sans subventions, il faudra innover et s'appuyer sur de nouveaux vecteurs. A ce titre, le projet "What If?" mené par Romuald COUSTRE est une de ces initiatives qui pourront changer la face du basket français. Entretien.
CONFIDENCE
Pour une fois, levons un coin du voile, en coulisses cet automne Fred Forte nous a conviés (malgré certaines divergences) à une réunion avec l'équipementier BIG Sports et Romuald COUSTRE qui avait publié quelques jours plus tôt des maillots "fantasmés" du CSP sur Twitter déclenchant une vague populaire que le président le plus connecté du basket français n'avait pas manqué de relever.
Fred Forte voulait avant tout une salle de 10.000 places tout le monde le sait, un centre de formation doté de ses propres locaux était sa seconde priorité, mais à court terme il n'hésitait pas à exploiter toutes les ressources ou les nouveautés qu'il détectait et il voulait ces maillots pour la saison prochaine !
Les visuels, que nous avions présentés dans nos brèves et répercutés sur les réseaux sociaux étaient au cœur de la discussion. Frédéric JOUVE, le président des SHARKS d'Antibes, adversaire du soir mais également dirigeant engagé dans un projet visant à dépasser le basket (autrement dit qui a lui aussi compris que le changement était nécessaire à la survie) s'est également montré très intéressé par ces concepts de tuniques épurées en termes de sponsoring mais travaillées pour définir une véritable identité au delà des couleurs et du nom du club.
C'est tout le concept mis en avant par What IF le projet de Romuald COUSTRE, qui a gentiment accepté de répondre à nos questions pour expliquer le pourquoi du comment de ces maillots 3.0 que nous ne voudrions surtout pas tomber dans l'oubli avec la disparition de Fred Forte. Connu des observateurs du basket français pour son implication à Gravelines, le fondateur de What IF nous présente sa démarche.
BBcom : Romuald, pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
J’ai 43 ans et je crois que je suis tombé dans la marmite basket quand j’étais petit. J’ai eu la chance que ma passion devienne un métier quand Hervé Beddeleem, pour qui je travaillais auparavant au Palais des Congrès de Dunkerque, m’a demandé en 2004 de le rejoindre au BCM pour m’occuper du marketing et de la communication, et l’aider à structurer le club. Je suis devenu Team Manager (Directeur Sportif) en 2006 à la demande de Fred Sarre, puis Général Manager à partir de 2009. J’ai choisi de quitter Gravelines en 2013 alors que le BCM était au sommet et que structurellement, la machine tournait bien. Il ne m’aura manqué que le titre de Champion de France. Je suis désormais Consultant en organisation et marketing digital sur Paris. Parallèlement j’étais aussi agent sportif pendant 2 ans jusqu’à l’année dernière. Et depuis 3 mois, designer de maillots avec le concept Whatif. Au-delà d’un travail sur l’identité et les marques des clubs LNB et Euroleague, « What if ? » se veut une réflexion plus profonde sur comment imaginer le basket différemment au travers de la promotion de nouvelles orientations stratégiques. C’est très 3.0 (rires).
Comment le contact avec le CSP s'est-il noué ?
Dans un cadre privé, et sans concertation avec le club, j’avais déjà travaillé sur Cholet Basket et j’ai été plutôt surpris par l’accueil reçu sur Twitter. Au moment de choisir un 2e club sur lequel travailler, j’ai logiquement choisi Limoges parce que c’est le club le plus mythique du basket français et surtout celui dont les fans sont les plus actifs sur les réseaux sociaux. C’était à double tranchant parce que soit l’accueil était bon et ça validait la démarche « What if ? », soit je pouvais remettre définitivement le concept dans un carton (rires). Le fait est qu’une fois les visuels CSP postés sur Twitter, il n’a pas fallu 1h à Fred Forte pour réagir et me contacter en privé pour en discuter, et pas 1h non plus a Frédéric Weis et Big Sports pour me contacter également et me dire « on va travailler ensemble ! ». 15 jours plus tard, on était au siège du CSP pour discuter avec Beaublanc.com, Fred Forte, Fred Jouve le Président d’Antibes et Big Sports.
Pourquoi d'après vous les maillots de basket sont-ils souvent aussi moches ?
Les maillots sont moches parce que le référentiel pour le basket, c’est la NBA. Et on ne soutient pas la comparaison. Dans tous les domaines d’ailleurs, pas seulement sur les tenues. J’aime rappeler qu’on est le seul sport collectif à avoir face à nous, un monstre sportif, économique et marketing comme l’est la NBA. Rien ne nous empêche de nous en inspirer et c’est tout le fond de la démarche « Whatif ? ». Donc pour répondre à votre question, il y a plusieurs facteurs qui peuvent entrer en ligne de compte. En premier lieu, on est encore souvent dans un schéma où le maillot est essentiellement un support commercial que l’on vend aux partenaires, sans forcément avoir un vrai travail sur l’identité des clubs. A fortiori, parce qu’en deuxième lieu, on est aussi face à des équipementiers qui n’ont pas la capacité ou l’envie de travailler sur du sur-mesure avec les clubs. L’économie du basket français est telle que la seule option pour pas mal de clubs est de choisir leurs tenues dans un catalogue. Pour rendre un maillot plutôt sympa, il y a deux axes : d’abord travailler pour qu'il soit unique, qu'il raconte l’histoire d’un club et véhicule ses valeurs. Que ce maillot ait une identité que l’on décline saison après saison mais qui lui permet d’être identifié au premier coup d’œil. On allume la télévision sur un match ? Immédiatement le maillot doit nous permettre d'identifier l’équipe, comme on identifie un maillot du PSG, du Barça, des Bulls ou des Lakers. Ensuite, faire en sorte qu’il y ait un vrai travail graphique pour intégrer les logos des partenaires de manière harmonieuse et respectueuse de l’identité du club. Donc par de la monochromie notamment. On doit avoir des sponsors sur les maillots. Il n’y a pas de débat sur ce sujet. Mais on n’est pas obligé de le faire n’importe comment et de manière anarchique. Certains clubs travaillent d’ailleurs de mieux en mieux sur ce sujet. La leçon que je tire du succès de «What if? » et de l’unanimité qu’il y a sur la démarche en France comme en Europe d’ailleurs (le maillot du Fenerbahce a été un carton monumental en Turquie), c’est qu’il y a une grosse attente du public basket pour des tenues soignées, stylisées, épurées. Je n’ai rien inventé, j’ai juste donné un écho à une vraie tendance et une vraie aspiration des fans.
Si cette démarche doit s'intégrer dans un projet club, quel est votre opinion sur le 3.0 voulu par Fred Forte ?
Fred était visionnaire. Il avait compris qu’on est à un tournant de l’histoire du basket français où notre sport va devoir se réinventer. Et surtout faire face à de nouvelles problématiques comme par exemple le désengagement programmé des collectivités territoriales dans le financement du sport de haut niveau. Vous avez été témoin du discours du Président d’Antibes lors de la réunion de Novembre et vous pouvez comprendre que c’est une vraie tendance de fond. Les clubs qui survivront et domineront à l’avenir seront ceux qui auront le mieux anticipé ce nouvel environnement, cette nouvelle manière de consommer le spectacle basket et qui auront su totalement réinventer leur modèle économique. A ce titre, le CSP 3.0 est parfaitement pensé. Il met le club sur les rails pour qu’il ne soit pas seulement le plus grand club de l’histoire du basket français, mais qu’il soit le modèle de demain. On ne parle plus seulement de bâtir la meilleure équipe sur le terrain en y consacrant la majeure partie du budget et en espérant que cette équipe soit la plus performante possible. On parle du développement des structures, de « fan experience », de la construction de salles plus grandes et plus modernes où l’accueil des fans et l’entertainment sont mis au centre du fonctionnement. Ensuite il ne s’agit pas seulement de vouloir une salle de 10 000 places, il faut être en capacité de la remplir, de l’animer, de la rentabiliser. Dans le 3.0 du CSP, il y a un paramètre capital qui est justement de structurer le club et son offre pour qu’il soit demain en capacité d’entrer dans une nouvelle salle, si par bonheur elle peut se construire. Tout en gardant cette identité « CSP », en respectant le patrimoine que ce club représente et en étant fidèle à cette atmosphère si particulière qui fait de Limoges ce club tellement unique. Et en aspirant à remettre le CSP sur la scène de l’Euroleague.
On sait que tout le monde n'a pas forcément saisi les ramifications du 3.0 à Limoges. Dans votre expérience à Gravelines, quels ont été les principaux écueils à un développement plus rapide ?
C’est compliqué parce que tout changement génère de l’opposition. Changer des méthodes ou des habitudes, c’est déjà un défi par essence. Surtout quand on vous dit que ça marche très bien aujourd’hui et que l’on ne voit pas la nécessité du changement ou de l’anticipation. C’est encore plus compliqué pour un dirigeant de club, parce qu’il doit mener cette réflexion capitale et cette structuration à long terme dans un contexte court terme extrêmement pressant et pesant. Il faut gagner des matchs ! Le spectateur, le supporter, le partenaire, l’élu qui soutiennent un club, attendent des résultats sportifs immédiats. Il y a l’obligation de mener un projet 3.0 en maintenant un niveau sportif suffisant qui assure une adhésion du public et des partenaires. Nous ne sommes pas dans une ligue fermée comme la NBA où l’on peut choisir de « tanker » pendant 2-3 saisons sans risque... le temps de mener à bien un projet structurel, le temps de donner du temps à de jeunes joueurs pour les développer. On est dans une ProA hyper concurrentielle et homogène où on n’a pas le droit à l’erreur et où personne n’est à l’abri. Une relégation et tout s’écroule. Regardez Chalon aujourd’hui. Le choix de Fred Forte de prendre du recul sur le domaine sportif en déléguant ça à Olivier Bourgain : pour moi c’était un message fort de son engagement à aller au bout de la démarche 3.0.
Pour en revenir à Gravelines, il y a un autre paramètre qui est la salle. Sportica est magnifique, c’est aussi une salle chargée d’histoire et qui « pue » le basket pour reprendre l’expression. Mais c’est 2300 places assises. L’avenir ne passe que par une nouvelle salle. Sur ce point, le club peut faire ce qu’il veut en terme de développement, ceux qui ont généralement les clés, ce sont les politiques. Et dans le cas où l’élu veut construire une salle, rien n’est gagné parce qu’un mandat c’est court, un projet de salle c’est long. Une défaite aux élections et tout peut être remis en cause. C’est ce qui s’est passé à Dunkerque où l’Arena de 10000 places était pourtant validée, votée et signée quand je quitte le BCM en 2013. Elle n’a pas résisté à la défaite de Michel Delebarre aux élections municipales.
Le CSP vient de révéler son nouvel organigramme et c'est Youri VERIERAS le juriste bras droit de Fred Forte qui devient président du directoire avec juste derrière lui Stéphane OSTROWSKI, Olivier BOURGAIN et le petit nouveau Manuel DIAZ à la comm'. Connaissez vous le nouveau président et quel serait me meilleur conseil à lui donner pour embrasser ses nouvelles fonctions ?
Je connais un petit peu Youri puisque nous avons été occasionnellement en contact lorsque j’étais le GM du BCM ou lorsque j’étais agent. Je sais que Fred Forte ne tarissait pas d’éloges le concernant et qu’il avait une confiance absolue. Je trouve ça très bien qu’il y ait cette continuité. Le CSP est un club qui fonctionne aujourd’hui, le fait que l’on conforte les gens en place me parait être judicieux. Et honnêtement, je trouve réjouissant qu’il devienne le plus jeune Président du Basket français. Avec Olivier Bourgain que je connais très bien, Stéphane Ostrowski qui est un grand nom de l’histoire du CSP, il est bien entouré. Encore plus avec l’arrivée de Manuel Diaz qui a un profil et un parcours professionnel qui peuvent faire beaucoup de bien et apporter beaucoup au CSP et au basket français. Alors je me garderai bien de donner des conseils … sauf peut-être celui de faire en sorte que le CSP arbore un maillot Whatif / BIG Sports la saison prochaine ? Plus sérieusement, à Youri de poursuivre l’œuvre de Fred Forte et de mener à bien le projet qui était le sien. En ne restant pas seulement dans l’héritage mais en imposant sa propre marque et sa propre identité.
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